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Le blog de l'EIB à distance

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Ce matin, comme chaque jour depuis deux semaines Maïa, 12 ans, se tord de douleur au moment de partir prendre son bus vers le collège. Phobie scolaire ? Difficile de définir cette notion précisément. Impossible de quantifier le nombre d’élèves concernés. Les professionnels de l’enfance s’accordent toutefois à constater ces dernières années une réelle augmentation du « refus anxieux de l’école ». Se traduisant par l’incapacité répétée et durable de se rendre en cours, ce phénomène mène parfois l’enfant jusqu’à l’hospitalisation. Pour éviter d’en arriver là, comment détecter les signaux d’alerte ? Quelles mesures prendre pour aider son enfant ? Voici un premier décryptage et un aperçu des principales pistes de prise en charge existant actuellement.

Des familles désemparées

Crises à répétition, ambiance familiale détériorée, impact sur les frères et sœurs : les effets de la phobie scolaire se répercutent sur toute la famille. C’est dans la douleur et dans l’urgence que les parents se trouvent confrontés à ce sujet. La souffrance psychique de l’enfant s’accroît au fil des jours, les absences se multiplient et les résultats baissent. Si la situation perdure, si les signaux d’alerte sont ignorés, l’élève se décourage et perd sa curiosité d’apprentissage. Il risque d’entrer dans le cercle vicieux de l’échec scolaire avec une atteinte sévère de l’estime de soi. D’où la nécessité de réagir rapidement.

Face à de telles situations, les familles devraient bénéficier d’une écoute bienveillante et sans jugement. Ensuite vient la nécessité d’analyser et autant que possible de comprendre ce qui se joue : la cause est-elle conjoncturelle (harcèlement par exemple) ou structurelle (phobie sociale plus globale, précocité, angoisse de l’échec…) ? Fréquemment, plusieurs facteurs se cumulent, rendant le diagnostic encore plus délicat.

Pour s’informer, encore faut-il faire le tri parmi toutes les publications et les témoignages disponibles sur internet ou dans les médias traditionnels. En effet, le bruit médiatique actuel autour de la phobie scolaire génère un déluge d’informations, dont certaines sont très anxiogènes et parfois contradictoires, renforçant l’angoisse et le sentiment d’impuissance.

Enfin, les familles demandent des conseils et des solutions concrètes : comment réagir face à l’enfant de façon adaptée ? Quelle aide attendre des institutions scolaires ? Que faire pour préserver la santé psychologique et l’envie d’apprendre de l’enfant ? À qui s’adresser ?

 

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Des réponses inadaptées

Le phénomène étant encore largement méconnu, le désarroi des parents se heurte malheureusement trop souvent à l’incompréhension de l’entourage et à des injonctions comme « arrête de le couver, ça ira mieux ! », « c’est juste un caprice, il ne faut pas céder »… Sans parler de la culpabilisation des parents et singulièrement des mères.

De son côté, l’institution scolaire a bien du mal à proposer un accompagnement adapté et parfois même à entendre et comprendre les souffrances de l’enfant. Même de bonne volonté, les enseignants disposent de trop peu d’outils pour répondre à des situations aussi diverses. L’administration scolaire quant à elle se borne à répertorier les absences et à accroître la pression sur les parents qui n’ont pas besoin de ça ! L’accès aux psychologues scolaires est malheureusement trop restreint pour répondre aux enjeux, qu’il s’agisse de harcèlement, de précocité ou de toute autre cause.

Ajoutons que la France ne s’est pas encore dotée de lieux-ressources facilement identifiables sur le sujet de la phobie scolaire, contrairement à ce qui existe pour d’autres problématiques liées à l’enfance. Finalement, il est très difficile de savoir à qui s’adresser pour trouver réponse aux questions et commencer à envisager des pistes de solutions.

Les solutions existent face à la phobie scolaire

La première mesure à prendre est de rétablir un climat bienveillant, afin de faire baisser la pression. Il importe surtout de conserver un environnement d’apprentissage autour de l’enfant. Pour cela, il est important de ne pas s’isoler et de dialoguer avec la communauté éducative au sens large : enseignants, administratifs, représentants de parents d’élève et délégués de classe… Quand c’est possible, la coopération de tous les acteurs permet de déceler et de traiter efficacement certains facteurs de causalité comme le harcèlement ou la violence en milieu scolaire. Pas facile dans notre pays, marqué par l’un des scores les plus bas de l’OCDE en matière de résolution collaborative de problèmes à l’école [2].

La consultation d’un professionnel de santé, médecin de famille ou pédiatre dans un premier temps, vise à s’assurer de l’absence de causes physiques telles qu’un défaut d’audition non exprimé. Selon la situation, le jeune se verra ensuite orienté vers un spécialiste, un pédopsychiatre, un psychologue ou encore un orthophoniste. L’approche pluridisciplinaire donne de bons résultats et permet de traiter les différentes facettes de ce phénomène.

Les familles ont également intérêt à se rapprocher des associations comme les UDAF ou l’Ecole des Parents. Référente sur le sujet depuis sa création en 2008, l’Association Phobie Scolaire  propose une « boite à outils » en ligne à destination des parents, ainsi qu’une base documentaire très riche.  Dans le cas spécifique du harcèlement, l’Etat a mis en place une plateforme web  et un numéro vert dédiés. A chacun de trouver le lieu d’écoute, de parole et de partage d’expérience répondant le mieux à ses besoins.

Lorsque la scolarisation présentielle est durablement interrompue, l’enseignement à distance s’avère une bonne solution pour permettre à l’élève de reprendre confiance en travaillant et en apprenant à son rythme, tout en prenant du recul face à la situation pour mieux la traiter. Le but ici est de permettre à l’enfant de retrouver goût à l’apprentissage et de poursuivre celui-ci dans une certaine continuité, en autonomie et avec l’appui de l’équipe pédagogique. La maman d’Anaïs témoigne : « Au collège, les autres enfants rejetaient et isolaient notre fille. Anaïs est de nouveau épanouie car elle n’a plus à subir ce stress quotidien. Si j’avais un conseil à donner aux parents, il serait le suivant : écoutez votre enfant, écoutez votre cœur. Pour l’avenir, nous n’imposerons rien à Anaïs. Elle reprendra le chemin de l’école traditionnelle quand elle le souhaitera ». [3]

La phobie scolaire reste un phénomène complexe et méconnu, aux contours encore flous. Ses  causes sont multifactorielles et doivent faire l’objet d’une exploration pragmatique, sans a priori, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Une étude menée par une chercheuse INSERM[4] est actuellement en cours afin d’évaluer les parcours de soins de jeunes suivis en psychiatrie parce qu’ils ne parviennent pas à se rendre à l’école. L’objectif est de dégager des pistes d’amélioration pour mieux guider Maïa et l’aider à reprendre sereinement sa route vers l’école.

 

[1] Les élèves français figurent parmi les plus anxieux et ceux qui présentent le plus forte défiance envers le système scolaire, par rapport aux autres pays de l’OCDE. Source : PISA 2015

[2] Source : OCDE, PISA 2015

[3] lien vers l’intégralité du témoignage.

[4] Laelia Benoit, Psychiatre à la Maison de Solenn et Chercheuse Inserm.